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Association Lycée Victor Duruy

Et c'est aussi, alors que l'ombre froide de la nuit envahit peu à peu la vallée, moment propice au recueillement et où chaque être humain ressent peut-être plus intensément les choses de la vie, c'est précisément à ces instants là que l'on prend conscience, hélas, du vide laissé par la disparition d'un être qui vous est cher. C'est aussi une façon de ne pas abandonner les plus proches dès lors que les obligations qui régissent ces circonstances s'estompent et où l'on se retrouve alors vraiment seul.


Seul, ce ne fut pas le cas en ce petit matin de printemps où tes amis et montagnards surent par leur chaleureuse présence soutenir Hélène et la famille et t'accompagner toi, Bernard, auteur de tant de premières vers ce qui fut ton ultime balade. L'émouvant le disputait au pathétique et seules, les Pyrénées, si fuyantes à nos yeux ces temps derniers, drapées des plus éclatantes couleurs semblaient vouloir ainsi, à leur manière, atténuer peine et chagrin et rendre hommage à celui qui avait consacré une partie de sa vie à en découvrir, avec passion, les multiples splendeurs.


Sans verser dans le dithyrambe, force est de reconnaître que le personnage ne pouvait laisser indifférent quiconque avait la chance de l'aborder et suscitait même chez celui-ci, un intérêt particulier.


Aussi discret que secret, fuyant les honneurs, seuls, ses vrais amis comptaient beaucoup pour lui. D'une grande sagesse, il savait par d'aimables paroles dissiper quelque inquiétude, ôter le doute et apaiser bien des tourments. D'une rencontre avec Bernard on sortait réconforté et l'esprit serein. D'ailleurs, je le faisais souvent éclater de rire lorsque paraphrasant une célèbre publication je lui disais : avec vous, c'est toujours le poids des mots... le choc des photos.


Des photos justement car ce fut là son grand œuvre. Technicien certes, mais surtout merveilleux magicien de l'image. Voilà bien un domaine où l'on ne peut être qu'admiratif. Flore, faune, paysages, détail singulier, humble grange ou simple terrasse soulignant le dur et pénible labeur des gens d'autrefois, vaste programme qui motiva la plupart de ses ascensions et de ses escapades Pyrénéennes. Ses clichés sont unanimement reconnus et illustrent de façon magistrale la plupart des ouvrages dignes de ce nom, consacrés aux Pyrénées.


II y a peu de temps, alors que nous devisions du quotidien, délaissant la conversation, son regard fut attiré par quelque chose. En fait, c'était un rayon de soleil touchant une statue bagnéraise placée près de nous et apportant à celle-ci un éclairage inhabituel, la rendant aussitôt beaucoup plus sympathique. C'était cela, Bernard Clos. II portait toujours un regard différent du nôtre dès lors qu'il s'agissait de photographie.

Je me souviens d'un jeu que nous pratiquions souvent entre nous. Nous prenions l'un après l'autre, du même endroit, un cliché. Peu après, nous comparions les résultats et là, l'amateur que je suis restait à sa place car lui avait su trouver un détail, un cadrage voire un réglage qui faisait d'une photo banale un véritable tableau. En quelque sorte, l'élève et le maître. C'était cela Bernard Clos. Bon nombre de ses amis qui eurent la chance de l'accompagner en randonnées auront bénéficié de ses conseils avisés. L'on retrouvait d'ailleurs là un peu du professeur qui avec patience et gentillesse permettait ainsi à ses amis de progresser rapidement dans son domaine de prédilection : la photo. Reste que l'œil du maître c'est quelque chose et que là on peut mesurer le chemin qu'il nous reste à parcourir pour se hisser bien modestement au niveau supérieur. Le sien. C'était Bernard Clos.


Notons au passage la générosité et l'heureuse initiative d'Hélène Clos qui a fait don de son œuvre photographique au Parc National des Pyrénées pour qui d'ailleurs il travaillait souvent en participant à l'élaboration d'ouvrages quand il n'en était lui-même, l'auteur. Ainsi, ces photos pour lesquelles le Parc va constituer des collections itinérantes sauront par leur beauté enchanter le regard et perpétuer le souvenir et la mémoire de leur si talentueux auteur. C'est bien ainsi.


Un fait vient cependant troubler ma mémoire et bien que je me garde de toute comparaison que l'on pourrait qualifier d'audacieuse, je note par une des similitudes dont l'histoire a le secret que le début et 1a fin du siècle aura rassemblé les deux plus éminents photographes de nos Pyrénées.


On a souvent parlé et écrit, à juste raison de Lucien Briet, infatigable photographe et admirateur de nos Pyrénées, surtout espagnoles. L'on pourra désormais parler aussi de Bernard Clos qui, comme son prédécesseur, fut le grand témoin par ses clichés désormais en couleurs, de l'évolution des deux versants de la chaîne Pyrénéenne.

Nos fidèles lecteurs voudront bien excuser la longueur de ces propos, encore qu'ils soient trop réducteurs, car ce sont des feuilles et des feuilles que nous pourrions aisément remplir, tant le vide qu'il laisse est aussi immense que la place qu'il tient désormais dans nos cœurs.

  

Bernard Clos

Extrait d'un article de René Lafaille, paru dans La Montagne du 21 Avril 2000